Avez-vous entendu parler de l'hashtag #challengeaccepted?
Si vous faites une recherche sur Instagram, vous tomberez probablement sur une compilation en noir et blanc de près de 6 millions de clichés de femmes célèbres ou anonymes.
A la manière d'une chaîne d'e-mails, chaque participante poste sur sa page une photo-portrait en noir et blanc avec en description, le fameux hashtag, suivi des noms des personnes qu'elles nominent pour continuer la file de partage et un message de solidarité à la cause féminine. Les origines du mot-dièse reste néanmoins obscures. Le doit-on à la journaliste brésilienne Ana Paula Padrão et son #womensupportwomen ou est-ce à la base une manière de donner une voix aux victimes de féminicide en Turquie? C'est probablement le dilemme auquel on est confronté si l'on souhaite prendre part à ce mouvement: publier ma photo et mettre en avant des femmes que je cotoie au quotidien ou donner une voix à ces victimes-anonymes? J'ai choisi pour ma part le féminicide.
Me voici en ligne, tentant de me familiariser au concept de féminicide et de comprendre son actualité en Turquie. Je vois des photos de manifestations qui ressemblent à des processions funèbres avec des femmes brandissant des portraits de défunts. Je lis "...354 femmes tuées au cours des 9 premiers mois de 2019..." Le nombre résonne dans mon esprit à m'en donner la nausée. Et puis, mon regard croise celui de Pinar Gültekin. Elle tient une pince de crabe entre ses doigts et le vent dessine des arabesques dans ses cheveux.
J'ai parcouru sa page insta en essayant de m'imprégner de son existence, ses yeux qui ont su préserver l'innocence de l'enfance, son sourire espiègle et ses airs de Sandra Bullock. Une jeune fille ancrée dans son temps qui photographiait les levers et couchers de soleil et savourait la vie à pleine dent. Une amie, une fille, une vie qui s'est éteinte à 27 ans dans la violence la plus abjecte.
C'est quoi le fémicide (ou feminicide)?
Le mot féminicide est la francisation du terme femicide popularisé par l'ouvrage des sociologues Jill Radford et Diana E.H. Russell "Femicide: The Politics of women killing", paru en 1976. Un bouquin que je n'ai pas encore lu mais qui figure sur ma to-do list. Elles le définissent à l'époque comme "le meutre de femmes par des hommes motivés par la haine, le mépris, le plaisir ou le sentiment d'appropriation des femmes" et en expliquent les mécanismes et motivations. La définition fait l'objet d'adaptation au niveau international afin d'en élargir son champ d'application à "Tout meurtre de filles ou de femmes au simple motif qu'elles sont des femmes" Collecter des données sur le féminicide est une tâche difficile car chaque pays à sa manière de recenser les cas d'homicide.
Je lisais par exemple un article du télémoustique de 2019 qui essayait de comptabiliser ces cas sur base d'articles de presse en ligne: 39 en 2017, 36 en 2018 et 23 en 2019. L'UNODC pour sa part comptait en 2017 une moyenne mondiale de 137 femmes par jour tuées par un proche et pour plus d’un tiers par un conjoint ou ex-conjoint. C'est fou tout de même?!! Alors si on rajoute à cela que l'incrimination au Code Pénal du féminicide fait encore l'objet de débats dans de nombreux pays (Oui, en Belgique aussi!!!), et bien les filles on est pas sorti de l'auberge.
ENGLISH
Have you ever heard of hashtag #challengeaccepted?
If you do a search on Instagram, you will probably come across a black and white compilation of nearly 6 million pictures of famous or anonymous women.
Like an e-mail chain, each participant posts on her page a black and white photo-portrait with, as a description, the famous hashtag followed by the names of the people they nominate to continue the chain and a message of solidarity to the women's movement.The origins of the hash-word remain unclear. Is it due to the Brazilian journalist Ana Paula Padrão and her #womensupportwomen or was it basically a way to give a voice to victims of feminicide in Turkey? This is probably the moral dilemma we face if we want to take part in this movement: Should i post my photo and feature the women i meet on a daily basis, or should i give a voice to these anonymous victims? I chose feminicide.
Here I am online, trying to familiarize myself with the concept of feminicide and to understand its topicality in Turkey. I see pictures of demonstrations similar to funeral marches where women hold up portraits of the deceased. I read "...354 women killed in the first nine months of 2019..." The number resonates in my mind, i feel sick. And then, my gaze fell upon Pinar Gültekin. She is holding a crab claw between her fingers and the wind draws arabesques in her hair.
I went through his Insta page trying to imbue with her existence, her eyes that have retained the innocence of childhood, her mischievous smile and her airs of Sandra Bullock. A young girl anchored in her time who photographed sunrises and sunsets and enjoyed life to the fullest. A friend, a girl, a life that ended at the age of 27 in the most abject violence.
What is femicide (or feminicide)?
The term femicide was popularized by the sociologists Jill Radford and Diana E.H. Russell in their book "Femicide: The Politics of women killing", published in 1976. A book I haven't read yet, but is on my to-do list. They defined it at the time as "the killing of women by men motivated by hatred, contempt, pleasure or a sense of ownership of women" and explained its mechanisms and motivations. The definition needed some adjustments at International level in order to extend its scope to "Any killing of girls or women for the simple reason that they are women" Collecting data on femicide is a difficult task because each country has its own way of recording homicide cases.
I was reading, for example, an article in the 2019 Telemoustique magazine (literally Telemosquito) that was trying to record the number of cases reported in online articles: 39 in 2017, 36 in 2018 and 23 in 2019. The UNODC, for its part, counted in 2017 a world average of 137 women per day killed by a relative and more than a third by a spouse or ex-spouse. Crazy, right?!!! Add to this that the incrimination of feminicide in the penal code is still debated in many countries (Yes, in Belgium too !!!), well girls, we still have a long way to go.
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